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CamilleHau
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Autonomie, amitié sexuelle et hétérosexualité Empty Autonomie, amitié sexuelle et hétérosexualité

Message par CamilleHau Sam 28 Sep 2019 - 10:48
L’amour exclusif
Il y a plusieurs modes d’aimer bien qu’un seul soit conseillé, valorisé, donné comme possible et souhaitable et donc suivi. La société n’encourage qu’un unique mode d’amour ? : l’amour exclusif, où le couple fait structure, où la fidélité devient valeur suprême et la jalousie une preuve et une garantie.
Amour de marché, où le verbe « être » se contorsionne en « avoir » et posséder. Toute autre forme d’amour est perçue ( quand elle n’est pas tout simplement pas conçue du tout ?! ) comme non adulte, non véritable, non authentique. Ce modèle ne permet pas d’autres possibles. Tout au plus des négociations, qui bien évidemment ne créent ni rupture, ni réelle résistance, ni remise en cause ou destruction de la structure dominante et normative.
Le point le plus important me semble se situer au niveau du travail à fournir pour la déconstruction de notre vision de l’amour. La non-exclusivité responsable et bien vécue ne peut pas reposer sur les bases monogames de notre structure amoureuse. Il ne suffit pas de les recouvrir de douces idées pour que ça fonctionne. Je me suis régulièrement aperçue, surtout au début, que lorsque quelque chose coinçait, la source en était souvent cette conception qui refaisait surface à certains moments, les plus délicats. Encore une fois, les idées sont bien plus faciles à changer que les émotions et les sentiments. Mais ce n’est certainement que la pratique et l’expérience suivies d’un esprit critique qui peuvent nous montrer en quoi nous restons exclusives/fs, et faire ainsi que nous le dépassions.

Dans notre mythologie de l’amour, il n’y a pas de place pour une troisième personne. La monogamie est à la base de notre structure affective et de nos espérances dans ce domaine.

Le premier pas à faire donc semble déjà se situer dans le fait de pouvoir créer la possibilité conceptuelle d’aimer plus d’une personne en même temps. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais qui y croit profondément et sincèrement ??
C’est là qu’on voit le poids des normes. Il n’est pas nécessaire d’interdire formellement d’avoir plusieurs relations, car on n’envisage tout simplement pas de vivre autrement ses amoures. Pendant de longues années, nous avons « subi » un long apprentissage sur le fait de n’aimer qu’une seule personne, si possible pour la vie, mais surtout dans le même temps. On parle aujourd’hui de monogamie sérielle pour désigner le fait que l’on n’a plus une seule partenaire au cours d’une vie, mais que toute relation reste bien exclusive.

Contrairement à ce que l’on pourrait naïvement croire, cette monogamie sérielle largement vécue n’invalide jamais l’idéal monogame. On nous apprend que l’amour doit se diriger vers une seule et unique personne à la fois. Qu’au mieux, si l’on s’avise à aimer A et B en même temps, A n’aura que la moitié de l’amour puisque B en aura l’autre moitié. Ou bien que l’on donnera 40 ?% à A et 60 ?% à B. Derrière l’exclusivité se « cache » l’idée que la personne aimée pourrait et devrait tout apporter à l’aimante. Combien de fois m’a-t-on objecté que si je n’étais pas fidèle ( dans le sens monogame ), c’était dû au fait que je n’aurais pas trouvé la personne adéquate ou idéale, comme une lesbienne n’aurait pas trouvé le bon mec qui aurait su lui faire aimer l’hétérosexualité (plus couramment entendu « la faire jouir »...). Si j’étais vraiment bien avec quelqu’une, il paraît que je n’aurais pas besoin d’aller voir ailleurs ce qui s’y passe.

Par définition, deux personnes qui s’aiment et qui n’ont pas de problème majeur dans leur relation forment un couple fidèle. Point. Toute dérogation sera le symptôme de quelque chose qui ne va pas, et d’un manque par rapport à l’autre plus sûrement. Or, si quelque chose m’a bien manqué dans mes premières expériences de couple hétéro, c’est ma liberté et mon épanouissement et non le fait que mon copain ne m’apporte pas tout. ( Car à la fin, qu’est-ce que ce tout ? Ce dont les hommes ont décidé que les femmes avaient besoin ? ) Comment serait-il même possible de le penser quant ce tout signifie pour soi bien autre chose que ce qu’une relation de couple peut apporter, que ses propres exigences sur sa vie visent justement à d’autres prétentions que celles qui peuvent être réalisées par le couple ?
La culture du couple donne à penser que celui-ci résoudra tous nos problèmes, manques, insuffisances, besoins ou désirs. Le couple détient toujours le parangon du bonheur et du bien-être, alors évidemment, tout ce qui n’est pas lui sera perçu comme ne pouvant amener tout au plus qu’un simili-bonheur ou un bonheur substitutif.

Qu’une personne pense qu’elle puisse tout apporter à une autre est pour le moins suspect. Ça me semble pourtant un des présupposés nécessaires à avoir pour vivre en couple sans penser que l’on prive l’autre de bien des plaisirs et richesses. Des personnes m’ont exprimé qu’elles ne pouvaient soutenir cette opinion, mais qu’elles vivaient comme si, afin d’éviter la remise en question du couple.
En restant dans cette logique de l’apport, pourquoi ne pense-t-on pas que deux relations apporteront deux fois tout, ce qui serait encore mieux, non ?
Parce qu’il n’existe qu’un seul être pouvant tout apporter à une personne donnée et à un moment donné ?

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